Le temps

Le perdre ou le gagner pourtant on ne peut le cumuler, le capitaliser, il file et signe sa marque,
le temps passe sans que l’on n’ait de prise.

 

Si hier ce temps naviguait du passé au futur en passant par le présent avec cette illusion de
maitrise, cette douce et rassurante certitude, il n’est plus de même aujourd’hui.

 

Le passé est  nostalgique des libertés que l’on ignorait alors comme telles, dans cette idée
d’un monde immuable, continue, linéaire, fait d’acquis et de progressions, où se projeter
au delà de demain était naturel.

 

Le présent se vivait comme un temps de maîtrise que l’on segmente dans un agenda,
répartissant les activités, le travail, les petites choses du quotidien, où l’on rationnalise
objectivement ce temps. Les trajets quotidiens sont bouleversés avec des périmètres
restreints, des horizons resserrés, des peurs exhumées, peur de notre finitude, de notre
condition humaine de mortel. Peur imposée à tous au gré des chiffres absolus égrainés
des morts et des malades en sursis.

L’espace se réduit, le temps se fragmente en un temps autorisé et un temps confisqué,
et se concentre en une mosaïque d’identités dans un espace restreint celui d’un repli sur soi.

Exit les temps de convivialité, le relationnel et la cohésion, exit l’activité sportive salutaire
à la décharge des tensions, au retour sur soi, au lien avec les autres dans un espace
intermédiaire quelquefois régressif où le jeu autorise l’agressivité sans culpabilité, la rivalité,
la combattivité dans un espace temps contenu par les règles et la durée ; partageant, suant,
interpelant et se sentant vivre.

 

Notre rapport au temps a évolué nos n’investissons plus le futur de la même manière.
Suspendu aux décisions d’autres qui autorisent ou interdisent en une représentation
surmoïque pensant le bien pour tous et modifiant au fil du temps nos comportements,
demandant alors à s‘autoriser soi-même à exercer le pouvoir de la dérogation.

Privés de nos illusoires certitudes, soumis au pouvoir octroyant ou privant nos libertés
nous sommes hébétés, empêchés, sidérés.

 

Mais le temps subjectif de ce qui dure et dure dépend de la manière dont nous l’investissons.
Si nous sombrons dans l’ennui du présent, la pensée tournée vers le passé en une rumination
de ce qui est perdu
, le temps s’étire et nous semble s’arrêter. La nature de notre présent qui
devient instantanément notre passé ne nous aide alors pas à nous projeter dans l’avenir.

 

Si chaque seconde qui s’écoule est saisi comme une occasion d’évoluer de vivre même de
manière restreinte alors il deviendra notre  allié. Il n’y a pas d’injonction à la résilience, il y a
l’idée de faire que ce temps qui s’écoule ne soit pas source d’angoisse, d’accepter qu’à l’évidence
nous n’avons pas entre les mains la télécommande pour mettre  en pause. Ce temps en pause
déniant la réalité ferait que nous n’assisterions plus dans une pulsion de vie à la métamorphose
dont nous faisons tous partie. Ce temps qui file nous est compté et il est de notre devoir quelles
que soient les circonstances, le contexte, l’histoire de faire vivre ce temps.

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